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Les relations libano – syriennes: Colloque au Centre Issam Fares
03 Jun 2010

Les relations libano – syriennes: Colloque au Centre Issam Fares

Deux interventions de Pakradouni et Souhaid

Annahar, le jeudi 3 juin 2010


Encore une fois, les relations libano – syriennes étaient au coeur d'un colloque organisé par le Centre Issam Fares, dans une tentative lancée par les intellectuels et les politiciens libanais pour résoudre cette difficile énigme et comprendre ces relations, leur nature et leur impact négatif ou positif à la lumière des développements régionaux et internationaux. L’ancien Président du Parti Kataeb, Karim Pakradouni, expert de ces relations, et Fares Saed, le coordinateur du secrétariat général de l’Alliance du 14 Mars, le moteur du mouvement d’opposition contre l'administration syrienne au Liban au cours des cinq dernières années et l’un des derniers membres de Kornet Chehwan après l'assassinat des deux martyrs Gebran Tuéni et Pierre Gemayel, ont tenté de répondre à ces questions, sachant que Pakradouni et Saed sont tout à fait aux antipodes sur ce dossier.


Après une introduction prononcée par le Directeur du Centre de Issam Fares pour le Liban, l'ambassadeur M. Abdallah Bou Habib, Pakradouni a déterminé trois étapes dans les relations libano – syriennes, la première étant l’«annexion», vu que les Syriens considéraient que le Liban était détaché de la Syrie ; la seconde était sous l’ère nassérienne, le slogan « annexion » étant remplacé par « l'union arabe ». Sous le règne des Présidents Hafez el-Assad et Bachar el-Assad, la relation entre les deux pays est passée de l’«annexion » et l’«unité» à la « corrélation ». Il a souligné que « les relations entre les deux pays ne pouvaient être stables à moins que ces trois derniers slogans ne soient pris en considération ».


L’expression de « corrélation » a pris différentes formes, commençant avec le «document constitutionnel» sous le règne du feu le président Sleiman Frangié, Ledit document a fait allusion à l'indépendance du Liban et a fait mention, pour la première fois, de la relation particulière entre les deux pays, suivi par l’infiltration de l'armée syrienne au Liban. Quant à la deuxième phase, il s’agit de l’accord du Taëf, qui a commencé avec la question des relations particulières, y ajoutant la question des réformes. La troisième phase a commencé avec l'assassinat de l'ancien Premier Ministre Rafic Hariri, limitant ainsi l'impact du document constitutionnel et l’accord de Taëf et menant à une quasi-rupture totale entre les deux pays.


Pakradouni a également estimé que « toute rupture entre les deux pays destabilisait le Liban et provoquait des guerres et des conflits internes, et que la Syrie voyait le Liban d’un mauvais œil, partant de l’idée que le Liban était le trait d’union de l'influence étrangère et pouvait la menacer. Ainsi, il lui incombait d’entretenir des liens étroits avec le Liban. Ce dernier, pour sa part, était tenu de rassurer la Syrie qu'il n’autoriserait pas de complot fomenté contre le régime syrien». Il a souligné qu’ « Israël et la Syrie ne pouvaient être sur un pied d’égalité et que la position naturelle du Liban dans tout conflit était aux côtés de la Syrie ». Il a également indiqué que le Liban « devait être aux côtés de la Syrie en cas de conflit arabo - arabe et compter sur l'Egypte, par exemple, conduirait à sa perte comme c’était le cas auparavant ».


Pakradouni a reconnu aussi, dans son intervention, que la peur historique des Chrétiens libanais de la Syrie était justifiée, « particulièrement à la lumière de la transition de la théorie de l'annexion, ensuite à l'union, puis à la corrélation ». Il a ajouté que la Syrie « voulait jouer un rôle au Liban ». Il a estimé aussi que « les Libanais avaient intérêt à réclamer leurs revendications aux Syriens et que cette relation soit plus claire parce que l'ambiguïté sert les intérêts de la partie la plus puissante, soit la Syrie dans ce cas-là».


Saed

L’ancien député Fares Saed a commencé par noter que la date du colloque coïncidait avec la commémoration de l’assassinat du journaliste et écrivain Samir Kassir, rendant hommage à tous les martyrs. Il a estimé que les relations libano – syriennes et chrétiennes, particulièrement avec la Syrie, se caractérisaient par une si mauvaise compréhension qui remontait à la première étape de l’indépendance. A l’époque, la Syrie s’était montrée en victime, ce qui a abouti à la réduction de la superficie de la Syrie selon la convention de Sykes-Picot en 1916. Par contre, le Liban moderne, pour sa part, a vu le jour en réponse à l'idée de liberté et de diversité. Saed a comparé entre la théorie du « pouvoir » qui a occupé une position centrale, à son avis, dans l'idéologie nationale syrienne, d’une part, et la conciliation entre l’entente, la diversité et les libertés au Liban, excluant l’intimation et la répression, d’autre part.


Il a signalé aussi que la Syrie « avait raté le coche au début des années 90 pour régler la situation au Liban. A l’époque, le Patriarche Maronite soutenait la bonne application de l'Accord du Taëf, ce qui aurait restauré l'équilibre interne et l'indépendance. Toutefois, la Syrie était obsédée par l’idée de mobiliser les efforts et de garantir une classe politique partisane ». Il a également adressé des critiques acerbes à l’égard de « certains Chrétiens libanais qui s’étaient habitués à faire propager l’alliance de minorités, où des figures chrétiennes, des commandants de l'armée et des journalistes oeuvraient pour convaincre les Maronites, commençant par l'Eglise, que la sécurité des Chrétiens au Liban était tributaire du soutien de la Syrie, à condition qu’ils abandonnent la revendication du retrait de l'armée syrienne du Liban (...) ».


Saed a ajouté que « la crise de confiance entre les Chrétiens et les Syriens s’est sévèrement infiltrée, au lendemain de l'assassinat de Hariri (en 2005), au sein de la communauté sunnite, et a contribué à la convergence avec la volonté des Chrétiens ». Il a estimé que les Libanais étaient face à une nouvelle épreuve pour revoir les relations libano – syriennes, saluant l’insistance de l’Etat libanais à normaliser les relations avec la Syrie, selon l’Accord du Taëf, à la lumière de données régionales, soit la réconciliation arabo - syrienne et turco - syrienne avec la communauté internationale désirant l’implication de la Syrie dans la résolution du conflit israélo-arabe. Il a considéré que « la Syrie n’avait pas encore fait ses choix et adopté ses principales orientations pour des raisons liées à de nombreux sujets complexes, dont le Tribunal Pénal International pour le Liban ». Il a conclu en demandant s’il était possible de « trouver l'équation qui protègerait les intérêts des deux pays avec la construction d’un Machreq arabe moderne (...) ».