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Madeleine Albright : ‘La Promesse de la Paix’

Conférence de Madame Madeleine Albright dans le cadre du "Cycle de conférences Issam Farès " pour l'année 2007 à l'Université Tufts de Boston .


Mme. Madeleine Albright déclare: 'Je crois en la force de la raison, la possibilité
de réaliser un progres, et en la promesse de la paix'




M. Nijad Issam Fares: 'L'objectif  de supporter cette série de conférences est de
promouvoir l'entente et l'amitié à l'égard du Moyen-Orient' 



Mme. Albright entourée par la famille Fares et M. Bacow



Discours de Mme. Madeleine Albright:


Je suis ravie et honorée d’être ici,à Tufts, et de participer à cette série de conférences unique. Je suis heureuse d'être parmi des invités aussi distingués et parmi des étudiants, apparemment. Je voudrais remercier la famille Farès de m'avoir invitée à cette conférence et j'aimerais également féliciter tous ceux qui sont rattachés au Centre Farès et à Tufts pour avoir travaillé dur sur le projet essentiel auquel le centre attache une grande importance. Ce projet consiste en l'accroissement des connaissances que l'on a du Moyen-Orient et en l'amélioration de la compréhension parmi les peuples du Moyen-Orient. Il est très difficile de concevoir un objectif plus important et plus insaisissable. Quatre ans plus tôt, le « Cycle de conférences Issam Farès » accueillait comme orateur l'ancien président des États-Unis, le très distingué George Howard Walker Bush. Son discours avait pour titre : « Optez pour l'espoir et non pour la haine ». Il a sûrement été partial concernant l'espoir, vu que le sien était de faire du saut en parachute pour son 80e anniversaire.


Mais ce que j'ai trouvé d'intéressant dans son discours c’est le fait qu'il ait eu lieu trois semaines seulement avant l'invasion américaine de l'Irak. Au lieu d'utiliser son discours comme appui de l'invasion, l'ancien président a insisté sur le choix qu'il avait opéré lorsqu'il était en poste : le principe de non invasion. Il a affirmé que s'il avait tenté de modifier sa stratégie dans l'opération « Tempête du désert », sa coalition internationale se serait désagrégée et la crédibilité des États-Unis en tant que force de paix au Moyen-Orient aurait été perdue. Il y a deux leçons à retenir. La première est que les jeunes doivent écouter leurs aînés et la seconde est qu’avant de prendre des décisions qui affecteront notre avenir, les dirigeants se doivent d’étudier avec prudence les leçons du passé. Afin que ce soit plus clair, imaginez une superpuissance qui décide de se lancer dans une guerre préventive, 2 400 ans avant notre ère, cette superpuissance était Athènes. La cible était la Sicile, le danger présumé était que le peuple de cette île s'unisse un jour et décide de prendre les armes. Les dirigeants d'Athènes étaient tellement sûrs du succès de leur invasion qu'ils ignorèrent les mises en garde des militaires qui arguaient que la force de frappe était insuffisante : « Que se passera-t-il si les Siciliens s'unissent et que nous ne nous faisons aucun allié ? » demanda l'un des généraux. De plus, poursuivit-il, même si nous conquerrons la Sicile, ils sont tellement loin et nombreux que nous pourrons difficilement les diriger. Mais dans les moments d'émotion intense, comme celui-ci, de telles voix étaient noyées. Selon Euripide, la passion qui s'était emparée d'une majorité était telle que ceux qui n'étaient pas d'accord, pour ne pas être traités d'antipatriotiques, s'étaient abstenus. Les Athéniens ont bien entendu consulté les oracles qui déclarèrent que l'Empire était favorisé par les dieux et qu'il vaincrait simplement parce qu'il le méritait. L'expédition eut lieu.


Arrivés en Sicile, les dirigeants athéniens proclamèrent à la population locale qu'ils ne venaient pas pour en faire des esclaves mais pour les protéger de l'esclavagisme. Mais les Siciliens ne les crurent pas. Bien que divisés par le passé, ils s'unirent pour vaincre ce qu'ils considéraient comme de l'impérialisme. La force athénienne fut anéantie. En essayant de conquérir la Sicile, les Athéniens se sont surestimés. Ils transformèrent ainsi un risque qui pouvait être contenu en une blessure auto infligée. L'invasion a usé leur armée, divisé leurs citoyens, ôté leurs illusions aux alliés et entamé leur prestige. Cette invasion a également tracé le chemin pour un autre adversaire de taille qui allait dominer Athènes pour une décennie. Cet adversaire était la Perse ou l'Iran d'aujourd'hui. L'invasion d'Athènes nous remet en mémoire le danger qu'il y a d'être trop sûrs d'avoir raison. Lors de la prise de décision, il y a une différence majeure entre la confiance en soi et la certitude. La confiance naît de l'effort que l'on fournit pour apprendre, tandis que la certitude naît de la croyance que l'on a d'avoir appris tout ce qu'il fallait savoir. Un dirigeant confiant modifiera ses décisions à la lumière de nouvelles données. Un dirigeant pétri de certitude rejettera tout conseil en désaccord avec ce qu'il pense. C'est pour cette raison que j'ai pris l'habitude de tester mes propres croyances. Vous pouvez ne pas le croire, mais j'écoute régulièrement à la radio l'animateur Rush Limbaugh dont vous avez peut-être entendu parler. Je crois que je n'ai jamais été d'accord avec lui et c'est la raison pour laquelle je l'écoute. Il m'oblige à reconsidérer mes opinions. Je peux très bien m'énerver auprès de la radio, mais je note aussi que certaines de mes suppositions sont plus faciles à défendre que d'autres. Et ses opinions me poussent à examiner de près les faits sur lesquels je base les miennes.


Pour moi, écouter les émissions radio n'est pas une expérience plaisante, et c'est étonnant que je n'aie pas d'accidents de voiture depuis que j'écoute la radio, mais cet exercice m'aide à clarifier mes pensées. De la même manière, les preneurs de décisions peuvent accomplir un meilleur travail en étant sûrs que l'information qu'ils ont est compréhensible et qu'ils ont pris en compte plusieurs points de vue. Ceci est d'autant plus important qu'il s'est avéré que la politique américaine au Moyen-Orient et dans le golfe Persique est moins que parfaite. Il est vrai que l'invasion de l'Irak a écarté Saddam Hussein du pouvoir et ouvert la voie à des élections - deux bonnes choses -, mais au Moyen-Orient, chaque haut est suivi d'un bas et cette invasion a brisé le record. Elle a coûté la vie à des milliers de personnes, tendu nos relations avec nos alliés, renforcé el-Qaëda, accru l'influence de l'Iran, créé de nouvelles motivations chez les États voyous de développer l'arme nucléaire, miné la crédibilité américaine, dévié l'attention et les ressources des autres problèmes et poussé de nombreuses personnes à faire l'amalgame entre la promotion légitime de la démocratie et les efforts peu judicieux d'imposer la démocratie en encensant des leaders tels Hugo Chavez et Vladimir Poutine.


Pendant des années, nous avons discuté du fait de savoir s'il était judicieux ou non d'envahir l'Irak de la manière et au moment où nous l'avons fait. Cet argument a été arrêté. Les dirigeants ont fait un très mauvais choix. La question était de savoir ce qui pouvait être sauvé. Aujourd'hui, près de 150 000 soldats américains sont en Irak. Je veux bien qu'ils réussissent.


Ce sont les meilleurs guerriers du monde et ils accompliront tout ce qui est en leur pouvoir. Malheureusement, nos troupes sont coincées au milieu d'une guerre civile avec pour mission – impossible - de protéger toutes les parties de la violence qui fait rage partout. Si j'étais soldat à Bagdad, je ne saurais pas sur qui tirer avant de me faire tirer dessus, ce qui est invivable. Je vais citer le sergent de première classe, Marc Velinsky, qui, pendant l'attaque d'un franc-tireur dans la capitale le mois dernier, a dit: « Qui nous tire dessus ? Qui ? Savons-nous qui c'est ? »


Je vais aussi vous citer le spécialiste Terry Wilson, un soldat appartenant à la même patrouille : « Le fait est que nous portons des uniformes, et eux, non. »
Je suis d'accord avec le président quand il dit que ce serait un désastre si nous quittions l'Irak dans ces circonstances, mais ce serait aussi un désastre si nous restions. Si nos troupes ne sont pas en position d'opérer un changement de taille, nous avons pour mission de les rapatrier, et le plus tôt serait le mieux.


James Baker et Lee Hamilton ont suggéré un rôle plus limité des troupes américaines, ils ont insisté sur l'entraînement, le combat contre el- Qaëda et une meilleure capacité de riposte. Leur vision, que je partage, est que c'est aux Irakiens de prendre en charge leur sécurité, car même si nous pouvons les aider, nous ne pouvons faire le travail à leur place. Nous n'avons pas assez de gens pour cela, nous ne parlons pas leur langue, nous ne connaissons pas assez leur culture, et, pour être honnête, nous n'avons aucun droit légal ou une quelconque autorité morale pour nous introduire chez les Irakiens et exiger une totale obéissance. À chaque fois que nous le faisons, nous perdons autant de terrain politique que nous espérons en gagner militairement.


Il est essentiel de comprendre ceci, car s'il existe une solution pour l'Irak, elle ne viendra que par des décisions politiques. C'est évident, et ce depuis des années. Un arrangement doit aboutir et qui donnera à chaque partie plus que ce qu'elle pourra obtenir par la violence. Si les dirigeants irakiens commencent à se tourner dans cette direction, nous verrons apparaître des progrès concernant la sécurité et je pense que le peuple américain sera ainsi plus patient concernant la présence de nos troupes en Irak. Un tel arrangement doit inclure un partage équitable du pétrole, la protection des droits des minorités et un équilibre de force entre le gouvernement central à Bagdad et les différentes régions. C'était un signe encourageant que le cabinet irakien ait été capable de se mettre d'accord la semaine dernière à propos d’une nouvelle loi sur le pétrole. Si cette loi n'entre pas en vigueur, les revenus engendrés par le pétrole seront contrôlés par le gouvernement fédéral et alloués ensuite aux 18 provinces irakiennes sur les bases du nombre de la population. Cependant, plusieurs problèmes subsistent, entre autres le fait que les Irakiens n'ont jamais opéré de recensement. Mais le plan lié au pétrole est nécessaire et c'est un pas dans cette direction. D'autres étapes sont également requises. Premièrement, nous devons insister auprès des voisins de l'Irak et de nos alliés afin d'instaurer la stabilité.


Lorsque j'étais ministre des Affaires étrangères, nous étions confrontés à des batailles sectaires dans les Balkans, et chaque faction avait un allié à l'extérieur qui la fournissait en armes et autres.
Nous pensions que la solution était de réunir tous les pays qui avaient des intérêts dans les Balkans pour œuvrer ensemble. Nous avons ainsi créé un groupe avec les représentants d'une demi-douzaine de nations en nous assurant que nos politiques étaient coordonnées et n'allaient pas à l'encontre de la prospérité, de la justice et de la paix. Cette approche a fonctionné, et je le dis et le répète depuis 4 ans, quelque chose de semblable doit être tenté en Irak. Ce week-end, à Bagdad, va se tenir une réunion qui va enfin débattre de ce sujet. Les États-Unis ainsi que l'Iran et la Syrie vont y participer. Cette réunion ne va pas engendrer de miracles mais elle a la possibilité de générer quelques points d'entente. L'implication de l'Iran est significative. Nous oublions parfois que l'Irak a envahi l'Iran durant les années 80 aboutissant à une guerre qui a fait plus d'un million de morts.


Aujourd'hui, l'Irak est divisé et faible alors que l'Iran a plus d'influence que jamais. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a profité de l'instabilité régionale afin de s'imposer sur la scène internationale en insistant sur les droits de son pays à s'enrichir en nucléaire, en remettant en question le droit d'Israël d'exister et en mettant en doute la moralité des actions entreprises par les États-Unis. Ahmadinejad essaie donc de renforcer sa base politique intérieure.


L'Administration Bush mérite d'être soutenue dans ses efforts diplomatiques de persuader l'Iran de laisser tomber son enrichissement de l'arme nucléaire. Ces efforts sont longs et laborieux mais ils pourraient aboutir.
La combinaison de sanctions économiques et de pression sur les réserves pétrolifères pourra pousser l'Iran à trouver une échappatoire digne, et ce, si nous sommes patients et si nous ne nous emballons pas. En même temps l'Administration Bush a accusé l'Iran d'armer les milices chiites en Irak. Nous avons le droit de protester et de prouver nos allégations.


Cependant, nous ne devons pas élargir notre champ de guerre. À long terme, nous tirerons d'immenses profits de nos relations améliorées avec l'Iran, une possibilité très fascinante du fait que ce pays est beaucoup plus ouvert et démocratique que la plupart de ses voisins. Il n'y a aucune raison valable qui pousserait les intérêts américains et iraniens à s'opposer. Nos problèmes sont d'ordre idéologique et donc avec une solution envisageable. Je crains néanmoins que la guerre n'ouvre des blessures qui ne se cicatriseraient pas et ceci nous coûterait cher, ainsi qu’au monde entier. De toute manière, les États-Unis doivent se concentrer aujourd'hui sur la manière d'instaurer la paix et non de tenter de justifier une autre guerre.


Ma deuxième recommandation est que nous devons continuer à soutenir les efforts de construction d'institutions démocratiques en Irak. Il était impensable de croire en la possibilité de donner naissance à une démocratie dans ce pays, et ce, du jour au lendemain. Il était pareillement impensable de croire qu'un Irak stable pourrait ne jamais voir le jour si les principes démocratiques ne faisaient pas partie de l'équation. Ma plus grande crainte est que l'expérience des États-Unis en Irak nous pousse à abandonner nos efforts de démocratisation à long terme, ce qui serait une erreur. Il existe des moyens intelligents et d'autres qui le sont moins pour aboutir, et celui de soutenir la démocratie est le bon. Ce principe est lié au rôle qu'ont joué les États-Unis dans le monde à travers l'histoire et qu'ils joueront dans l'avenir. Si nous laissons tomber la démocratie en Irak, nous la laissons également tomber aux États-Unis.


Ma troisième et dernière recommandation est que nous devons nous tourner vers le golfe Persique en tant que région faisant partie d'une plus large stratégie qui engloberait le Moyen-Orient. Nous devons premièrement éviter de prendre parti dans le conflit millénaire qui oppose sunnites et chiites.


Certains disent que nous devons nous opposer aux sunnites sous prétexte qu’el-Qaëda et les loyalistes de Saddam Hussein appartiennent à cette communauté, d'autres soutiennent que nous devons nous opposer aux chiites car l'Iran, le Hezbollah et certaines milices, des plus violentes en Irak, sont chiites.
D'autres encore prônent une nouvelle stratégie qui consiste à considérer que les sunnites sont des alliés, hormis les terroristes d'entre eux, et que les chiites sont des ennemis, hormis quelques-uns qui ne le sont pas.
J'espère que c'est clair.


Le Moyen-Orient n'est pas une pièce de théâtre à la morale simpliste. C'est un lieu où peur, colère, espoir, courage, impuissance et confusion augmentent sans jamais former d'ensemble cohérent. Si les États-Unis doivent jouer un rôle positif, nous devons prendre en compte les intérêts de toutes les factions et être extrêmement vigilants dans le message que nous véhiculons. Nous devons soutenir les sunnites, les chiites, les chrétiens, les druzes, les juifs, les Arabes, les Kurdes et les Perses afin de les préparer à jouer un rôle positif. Notre objectif n'est donc pas de trouver de nouvelles méthodes pour diviser la région, mais de chercher les moyens de persuader tout ce monde à coopérer, si ce n'est par amour, au moins par intérêt commun de survie et de vie décente pour leur peuple. Dans cet esprit-là, il est crucial que les États-Unis reprennent leur rôle d'honnête intermédiaire dans la poursuite d'une paix israélo-arabe. L'une des plus grandes réalisations de la diplomatie américaine depuis près d'un demi-siècle a été d'obtenir de tous les gouvernements du Moyen-Orient et de l'OLP de reconnaître le droit à Israël d'exister.


Nous ne pouvons récuser cette position, mais avec ce principe clairement acquis, nous devons tout faire pour créer un État palestinien viable avec lequel Israël pourrait négocier. Je sais que la paix ne peut être obtenue facilement et je sais par expérience que c'est très dur. Il existe certains éléments dans l'islam, la chrétienté et le judaïsme qui croient que les guerres au Moyen-Orient ont été racontées dans les Écritures et que la bataille décisive entre le bien et le mal se jouera dans cette région. Je ne suis pas théologienne, je ne suis donc pas qualifiée pour débattre de ce point, mais je sais une chose : se battre n'est pas de la politique étrangère. Ceux qui croient que Dieu est directement lié aux évènements doivent commencer par obéir à Ses commandements au lieu de les ignorer, car il n'y a rien de prédestiné concernant les assassinats et le chaos au Moyen-Orient. Opter pour l'épée au lieu du rameau d'olivier est un choix. Apprendre la haine aux enfants est un choix. Glorifier les assassins et les traiter en martyrs est un choix. Déshumaniser et manquer de respect à la dignité de l'autre est un choix. Ceux-ci sont des choix, et lorsque les peuples ont la possibilité de choisir, ils ont la capacité de changer. Nous ne pouvons faire le choix à la place de ceux qui vivent au Moyen-Orient, mais nous pouvons essayer de persuader toutes les parties qu'aucun progrès ne pourra être accompli par la violence. Cela exigera des États-Unis un engagement ferme et progressif. Il exigera des dirigeants israéliens de défendre leur pays tout en gardant la porte ouverte à la paix. Il exigera que les Palestiniens se mettent d'accord une fois pour toutes sur le fait que le seul moyen d'obtenir la reconnaissance de leurs droits se fera par la négociation et non par la violence, et il exigera de la communauté internationale d'aider à la reconstruction du Liban et de traiter les Libanais comme étant souverains chez eux et non comme étant des pions à sacrifier au service des autres. Il exigera enfin de tout le monde l'engagement de créer un avenir au Moyen-Orient où les jeunes, juifs et arabes, grandiraient sans crainte de nouvelles violences.




Une large foule assiste à la remarquable conférence à Tufts


 

Il y a 3 000 ans déjà, et après la mort du roi David, son successeur, le roi Salomon, priait comme un serviteur ou un enfant non pour demander la gloire et la richesse mais pour apprendre à faire la différence entre le bien et le mal. Ce défi était grand et c'est pourquoi Salomon priait. Ceci me mène à mon dernier point : nous ne devons pas être trop sûrs d'avoir raison, ce qui nous pousserait à ne pas reconnaître que nous puissions avoir tort sur certains points.


Il est toujours tentant, surtout pour les Etats-Unis, de coller des étiquettes aux peuples, à des groupes et même aux nations, de décider que celui-ci est bon et l'autre mauvais. Mais la vie est plus compliquée que cela. Le bien et le mal ne viennent pas généralement en lots séparés, ils sont la plupart du temps entremêlés, et ceci se retrouve à l'extérieur comme à l'intérieur de nous.


Lorsque je faisais partie du gouvernement, je me suis durement battue contre l'idée que le monde se dirigeait vers un clash des civilisations, notamment entre l'islam et les États-Unis. Cependant, après avoir quitté mon poste, le monde a vécu l'expérience traumatisante du 11-Septembre et d'autres tragédies. Je ne crois toujours pas à ce clash, mais je vois une bataille d'idées, une bataille où la religion est utilisée comme prétexte pour se battre.
Pourtant, des incertitudes naissent à la vue de l'esclavagisme et des génocides.


Mais dans la vie publique, la certitude absolue n'est pas toujours une vertu. La vertu naît de la capacité à croire en certaines idées tout en respectant les droits, croyances et doutes des autres. Certains critiques affirment que cette qualité peut mener à une purée intellectuelle. Cependant, la certitude peut aboutir au triomphe qui comprendrait l'intellectuel et le spirituel en même temps. Nous célébrons comme exemples le Mahatma Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela, car ils étaient profondément croyants mais aussi aimables et pacifiques.


Ils étaient extrémistes, compatissants, à tel point que leur croyance les poussait à rechercher des points communs même avec leurs persécuteurs. Leur combat victorieux constituait une victoire de tous, et ils sont le genre de guides auxquels nous aspirons aujourd'hui. Pensez au bien que cela nous ferait si les peuples d'Irak et du Moyen-Orient s'engageaient sérieusement pour une victoire de tous. J'ai entendu dire que le monde était partagé entre eux et nous. On m'a appris autre chose, qu'il n'y avait qu'une seule catégorie d'hommes dans laquelle on avait tous notre place, une catégorie qui engloberait toutes les créatures unies par ce qui se passe actuellement.


L'on me demande souvent si je suis optimiste ou pessimiste, je réponds que je suis une optimiste qui s'inquiète beaucoup. Je crains que la haine et la peur n'augmentent depuis l'apparition de nouveaux cycles de violence d'autant plus qu'il manque de dirigeants suffisamment sages pour inverser la tendance. Je suis optimiste car je crois en la force de la raison, en la possibilité de progresser et en la promesse de la paix. Je crois aussi que les peuples ont la capacité d'apprendre les leçons du passé et de surmonter les différences. Tout le monde sait que l'histoire est une course perpétuelle entre éducation et catastrophe. C'est une course que nous devons gagner. Ce qui me rend encore plus optimiste, c’est l'existence d'institutions tels le Centre Farès, l’école Fletcher et la communauté de Tufts. Je vous tire mon chapeau pour tout ce que vous faites pour véhiculer le savoir et promouvoir la compréhension interculturelle. Je vous félicite pour tout ce que vous allez accomplir dans l'avenir.
Et, enfin, je vous remercie pour votre accueil chaleureux. Merci, merci beaucoup.



Mot de M. Nijad Issam Farès


Madame la ministre Albright
Président Bacow
Distingués invités
Mesdames, Messieurs

C'est un immense privilège pour moi que d'être aujourd'hui parmi vous en tant que représentant de la famille Farès au sein de cette prestigieuse institution. J'aimerais, au nom de mon père Issam Farès et de la famille Farès dans son ensemble, remercier nos amis et collègues de Tufts qui nous ont aidés dans la mise en place de cet évènement. Nous sommes fiers que le « Cycle de conférences Issam Farès » soit en mesure d'attirer d'éminents dirigeants afin de traiter des sujets essentiels de notre époque. Cette réussite n'aurait pu se faire sans le soutien de la famille Tufts au grand complet.

La famille Farès est loyale dans son engagement envers l'université Tufts, où ont étudié mon frère Farès et ma sœur Nour. Nous sommes reconnaissants d'avoir pu aider l'université Tufts à travers des programmes tels le Centre Farès pour les études moyen-orientales, le Centre de recherche Farès, un programme au sein de l'école Fletcher de droit et de diplomatie et le Centre Farès de recherche équine à l'école vétérinaire de Tufts.

En tant que Libanais, nous nous passionnons pour le Liban et pour la paix au Moyen-Orient. Notre objectif dans le soutien que l'on apporte à ce cycle de conférences est de promouvoir une meilleure compréhension du Moyen-Orient. Bien que ce soit un but important en lui-même, ses dérivés qui sont la justice, la paix et la stabilité sont encore plus importants. À travers des initiatives positives à l'instar de celle-ci, et à travers le dialogue, nous espérons que le Liban pourra à nouveau jouer son rôle de voix libérale et démocratique dans cette partie mouvementée du globe.

Lorsque le « Cycle de conférences Issam Farès » fut conçu, mon père a voulu accueillir des hommes d'État réputés qui évoqueraient leur expérience personnelle et donneraient une vision plus large d'un Moyen- Orient libéré des conflits et troubles qui ont envenimé la région.

Pour atteindre ce but, la première conférence du 25 octobre 1994 a été
donnée par l'ancien président de la République, George Bush. D'autres conférences ont vu défiler à la tribune des orateurs les présidents Bill Clinton et Valéry Giscard d'Estaing, les sénateurs Hillary Rodham Clinton et George Mitchell, d'anciens ministres des Affaires étrangères tels James Baker et Colin Powell, ainsi que l'ancien Premier ministre Margaret Thatcher.
Aujourd'hui, nous continuons de maintenir ce niveau d'excellence avec notre distinguée oratrice, la ministre Madeleine Albright.

Chère Madame Albright, bienvenue à Tufts et au « Cycle de conférences Issam Farès ». Pour ceux qui sont trop jeunes pour s'en souvenir, de 1987 à juillet 1997, il existait une interdiction formelle empêchant tous les citoyens américains d'utiliser leur passeport américain pour se rendre au Liban. Ceci était un obstacle à la sécurité du Liban et empêchait l'instauration de liens positifs entre les deux pays. J'aimerais souligner que le 30 juillet 1997, la ministre Albright a courageusement soulevé cette interdiction. Sa décision s'est inscrite dans la plus longue période de stabilité et de prospérité économique que le Liban ait connue depuis les années 70 et qui ne s'est achevée que très récemment, avec la série de violence dont il a été victime.

Le Liban est actuellement le point de mire de l'opinion publique ainsi
qu'il devrait l'être. À cause de sa géographie et de sa composante religieuse et physique, le Liban est un microcosme du Moyen-Orient. Son bien-être dépend des résolutions concernant les problèmes de la région. Mon père aime à répéter que la paix ne peut se faire par morceaux. La paix doit être exhaustive sinon elle ne peut être instaurée. À moins que les États de la région ne soient raisonnablement satisfaits, il restera toujours des communautés lésées ou des éléments pour mettre le chaos.


Résoudre le conflit israélo-arabe n'est pas une panacée pour tout ce qui a trait au Moyen-Orient. Cependant, et parce que cela revêt une importance symbolique, c'est la condition sine qua non pour les États-Unis d'unir Arabes et musulmans concernant les problèmes régionaux, comme la situation en Irak. Il pourrait ne pas y avoir de résolution au conflit israélo-arabe avec l'implication des Etats-Unis, car ce problème existe depuis 1948, néanmoins, il ne peut y avoir de résolution du conflit israélo-arabe sans implication américaine.

Depuis le 11-Septembre, l'objectif de la politique étrangère américaine a été la guerre contre le terrorisme. Pour débattre de ce sujet, le Centre Farès pour les études moyen-orientales a tenu une conférence de 2 jours en janvier dernier intitulée : « Guerre contre le terrorisme, où en sommes-nous ? » Cette conférence étant la troisième conférence annuelle de ce genre à réunir hommes politiques, académiciens et experts pour débattre de tels sujets. Le Centre Farès continuera d'accueillir ce genre de manifestation portant sur des sujets d'actualité liés au Moyen-Orient. Nous espérons que des propositions aboutiront à des solutions à ces problèmes.

Nous avons la chance d'avoir pour oratrice aujourd'hui une diplomate et
érudite qui a été ambassadrice des États-Unis aux Nations unies sous l’Administration Clinton et plus tard ministre des Affaires étrangères,


Madame Madeleine Albright. Je ferais une remarque personnelle en mentionnant que nous sommes tous les deux diplômés de la même faculté, au Colorado, la Kent Denver Country Day. Avec sa vaste expérience de la région et de ses problèmes, nous espérons que son intervention éclairera la situation au Moyen-Orient et ses plus larges implications dans les relations avec les États-Unis.


Merci et bienvenue au « Cycle de conférences Issam Farès 2007 ».


Mr. Nijad Issam Fares: Our objective in supporting this lecture series is to promote understanding of and friendship toward the Middle East