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James Baker: ‘Les Intérêts Américains dans le Golfe Persique et le Moyen Orient’n the Persian Gulf and the Middle East

 


Baker et Fares durant la Série de Conférences de Tufts à Boston en 1996


ALLOCUTION ISSAM FARES (Extraits)

Le processus de paix au Moyen-Orient est sans doute la question la plus importante de notre époque. Il est le centre des relations internationales. Il revêt une importance cruciale dans les relations entre les États-Unis et la Russie et entre les États-Unis et l’Asie, ainsi que pour la sécurité et la stabilité de millions de personnes dans la région.

Nous sommes honorés par la présence parmi nous, ce soir, de l’architecte du processus de paix, James Baker. L’ancien secrétaire d’État américain a réussi à réunir autour d’une même table les parties au conflit dans la région afin de lancer le processus de paix. Dans son discours, M. Baker nous présentera les «Intérêts américains dans le Golfe persique et le Moyen-Orient», un sujet intrinsèquement lié au processus de paix.

Les hommes politiques américains s’accordent à considérer que les intérêts des États-Unis dans la région du Moyen-Orient sont les suivants:

1) Protéger le pétrole du Golfe; 2) Assurer son transport vers les marchés américains et les marchés de leurs alliés; 3) Assurer la sécurité des voies aériennes et maritimes dans la région; 4) Appuyer les régimes arabes pro-américains; 5) Appuyer Israël; 6) Promouvoir la démocratie dans la région; et 7) œuvrer pour établir un nouvel ordre pro-américain dans un Moyen-Orient en paix.

La politique étrangère américaine est sans doute dictée par les intérêts nationaux de ce pays. Nous espérons toutefois que les intérêts nationaux dans un pays démocratique comme l’Amérique seront toujours basés sur des valeurs morales telles que la liberté, la justice et l’égalité; ces mêmes principes qui ont imprégné ses institutions politiques et sociales depuis la création de cet état, il y a 200 ans.

Mon pays, le Liban, est lui aussi un pays démocratique qui a hérité d’un système de valeurs politiques, humaines et culturelles basées sur la justice, la liberté et l’égalité, et ce depuis six mille ans.

Le Liban, il est vrai, est un petit pays. Il est cependant en même temps très grand. Ceci est le fait des objectifs ambitieux et des réalisations exceptionnelles de la grande diaspora libanaise, quel que soit l’endroit où elle est établie, dans la région ou dans le reste du monde. En effet, son influence qualitative est de loin plus importante que sa modeste valeur quantitative. Au Liban même, et grâce à l’adresse et à l’énergie des Libanais, le pays est devenu le centre régional des idées politiques et Beyrouth, la vraie capitale du monde arabe sur les plans culturel, politique et idéologique; c’est aussi un forum libre au service de la région.

Après une guerre longue et destructive suscitée par des conflits régionaux non résolus et les contradictions internationales, Le Liban a lancé un processus de développement et de reconstruction à l’échelle nationale. Cet énorme défi est réalisé avec l’aide constante de la Syrie, notre pays voisin et ami, et grâce aux efforts arabes et internationaux. En effet, les États-Unis et l’Europe ont beaucoup contribué à la conception et à la garantie de l’application d’un grand nombre de projets.

Le processus de paix est pour nous la grande priorité : beaucoup de nos activités politiques, économiques et sociales en dépendent. Israël est supposé effectuer un retrait inconditionnel du Liban, conformément à la résolution 425 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Mais Israël traîne; il tente de présenter des propositions tactiques dans le cadre du processus de paix, niant au Liban son droit à recouvrer ses territoires occupés, perpétrant des agressions armées contre notre peuple dans le sud et dans la Békaa afin de retarder encore plus son retrait.

Le processus de paix au Moyen-Orient devrait assurer l’existence de tous les états de la région au sein de frontières sûres et reconnues internationalement. Nous voulons une paix juste; une paix qui assure la stabilité à long terme. Nous espérons que cela mènera progressivement à la mise en place de régimes démocratiques, d’une économie libre et d’un esprit d’entreprise qui ouvrira grand l’immense marché de la région.

La paix permettra sans doute au Liban de reprendre son rôle central au Moyen-Orient et de fournir de nouveau ses services de grande qualité dans les domaines des études universitaires, des centres de soins hospitaliers, du tourisme, de la promotion culturelle, des banques et autres services commerciaux. La paix encouragera certainement un large segment de la diaspora libanaise à retourner vivre dans leur pays d’origine et contribuer à son développement, par leurs investissements tant financiers que sur le plan des ressources humaines.

M. Baker, si vous désirez vraiment que le processus de paix progresse, les États-Unis doivent concentrer leurs efforts un peu plus sur le Liban et la Syrie. Il n’y aura pas de paix dans la région sans la Syrie et la situation ne sera jamais stable sans le Liban. Alors que les diplomates américains font la navette d’une ville à l’autre au Moyen-Orient pour tenter de trouver une solution, ils ne devraient pas ignorer les responsables politiques au Liban : ce sont ces derniers qui pourront leur donner la mesure de l’ambiance qui règne dans toute la région.

Les intérêts américains dans la région ne sont pas nécessairement contraires à nos intérêts, à condition toutefois de considérer vos intérêts à la lumière des principes moraux de votre civilisation démocratique.

Préservez le pétrole, mais essayez d’aider à canaliser ses revenus vers le développement humain, l’amélioration de la qualité de vie des peuples de la région. Protégez les voies de passage stratégiques, mais n’oubliez pas qu’il y a des peuples qui vivent dans ces régions, des peuples qui ont leur propre histoire, leur propre civilisation et fierté; des peuples qui sont toujours attachés à leurs valeurs, qui respectent leurs traditions; des peuples qui peuvent avoir un énorme potentiel constructif si vous les abordez avec bonne foi et sincérité.

Vous êtes libres de soutenir Israël, mais cet appui ne devrait pas se faire aux dépends de votre impartialité en tant que médiateur, ni aux dépends des droits des autres pays et peuples de la région. Cet appui devrait s’exercer sur la base selon laquelle un état a des droits mais aussi des obligations. Si Israël est l’ami des États-Unis, ceci ne signifie pas que les Arabes sont leurs ennemis. Œuvrez pour un nouvel ordre dans la région, pour la redistribution de ses ressources naturelles. Mais travaillons ensemble pour établir ce nouvel ordre.


ALLOCUTION JAMES BAKER (Extraits)




Baker: 'Le processus de paix peut soit progresser ou régresser, et la région se trouvera confrontée à choisir entre la paix et la violence'




M. Baker a parlé des intérêts américains dans le Golfe persique et le Moyen-Orient en insistant surtout sur ses observations concernant le processus de paix israélo-arabe.

Il a commencé par rendre hommage au Liban pour son rôle constructif dans le processus de paix et les ambitions de son peuple, dont M. Fares est un exemple vivant. Il a fait remarquer que dans tous les pays où ils se sont établis, les Libanais ont répandu les ambitions, réussites et valeurs humaines de leur beau et accueillant pays. M. Baker a ensuite exposé en détail l’initiative de paix au Moyen-Orient qui a été lancée lors de la conférence de Madrid. Il a fait part de l’intérêt profond qu’il continue d’accorder à cette question vitale depuis sa nomination au poste de Secrétaire d’État..

Il s’est rappelé ses visites aux anciens présidents, Nixon, Carter et Ford et comment il a discuté avec eux les possibilités d’instaurer la paix entre Arabes et Israéliens. Et d’ajouter que lorsqu’il a soulevé cette question avec Nixon, ce dernier lui a dit : «Je vous conseille de ne pas aborder le Moyen-Orient ni la crise au Moyen-Orient; ce problème n’a pas de solution et ceux qui tentent de s’y intéresser pourraient se brûler les ailes».

Notant que la date d’aujourd’hui coïncidait avec le cinquième anniversaire du lancement de l’initiative de paix à Madrid, M. Baker a dit qu’au cours de ces années, ce processus n’a cessé de progresser malgré les multiples difficultés. Toutefois aujourd’hui, après la victoire de Netanyahu dans les élections israéliennes, le processus de paix s’est sérieusement effondré malgré les importantes avancées des années précédentes.

Et de noter que la première étape positive du processus de paix a été réalisée grâce aux navettes qu’il a effectuées avec ses collaborateurs dans la région pour engager des discussions en profondeur avec les dirigeants des états concernés. Cet effort a culminé avec la conférence de Madrid. Les premières négociations entre Arabes et Israéliens ont eu lieu à la fin de la guerre froide entre Washington et Moscou et au lendemain de l’occupation du Koweït et de la crise du Golfe. C’est à ce moment, a dit M. Baker, que le processus de paix a été structuré. Israël en ce temps-là faisait face à des problèmes avec le Hamas et les Israéliens étaient toujours en faveur de la paix et cherchaient à l’instaurer.

Et de continuer: «sans l’approbation de la Syrie et la position positive du Président Assad, le processus de paix n’aurait pas été lancé. Lorsque la Syrie a approuvé cette initiative, elle a privé Israël de tout prétexte de refuser de participer au processus. Le vrai problème actuellement n’est pas entre les Arabes et les Israéliens mais entre les extrémistes des deux côtés. A cause de cela, le processus de paix peut soit progresser ou régresser et la région se trouvera confronter à choisir entre la paix et la violence.

M. Baker a ensuite affirmé que pour réaliser un progrès sur cette voie il faudrait que les États-Unis adoptent une position ferme qui fournirait un soutien moral aux parties concernées et leur assurerait que l’application du processus de paix sera protégée et que les engagements pris par les deux parties seront honorés. Si Israël est vraiment un état démocratique, ce qu’il est sans doute, il devrait respecter les accords signés entre Israël, les Palestiniens et les pays arabes.

M. Baker a souligné par ailleurs le danger que représente la présence de Netanyahu à la tête du gouvernement d’Israël. Il a affirmé que le processus de paix s’est sérieusement détérioré depuis que le Likud a pris les rennes du pouvoir en main en Israël et notamment depuis la suspension des négociations avec le Liban et la Syrie.