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Conférence au Centre des Etudes Libanaises à Oxford- Londres - Octobre 2004
Son Excellence le Vice-Premier Ministre a donné une conférence à Londres intitulée ‘Le Liban et les problèmes régionaux’ durant une cérémonie remarquable pour commémorer le 20ème anniversaire du Centre des Etudes Libanaises à Oxford, Londres. Le Centre des Etudes Libanaises est une institution académique indépendante, fondée en 1984 par un groupe de Libanais inquiétés par la situation dans leur pays. Leur objectif consistait à créer une institution qui effectuerait des recherches impartiales et équilibrées et contribuerait à la reprise du Liban. Il s'agissait de promouvoir une meilleure compréhension du Liban et de trouver des solutions à ses problèmes.

Le Centre est aujourd'hui une institution qui joue un rôle fondamental, comme un forum pour les académiciens, les journalistes, les leaders en matière de business, les preneurs de décisions et les étudiants. A travers ses conférences, ses publications et ses contacts, le Centre est devenu la ressource internationale principale pour le Liban.

L'événement a été suivi d'un dîner organisé en l'honneur du Chef du Parlement M. Issam Fares, de son épouse Mme Hala Fares, de sa fille Mlle Nour et des Messrs. Michel et Fares, les fils de M. Issam Fares. Etaient présents au dîner l'ambassadeur du Liban à Londres M. Jihad Mourtada, ainsi qu'une multitude de personnalités politiques, sociales, diplomatiques, académiques et économiques libanaises et britanniques, ainsi que le président du Conseil d'Administration du Centre M. Georges Asseily, et le Directeur du Centre M. Nadim Schéhadé.


S.E. M. Fares et Mme Hala Fares à leur arrivée au Centre de Londres






M. Fares prend la parole comme étant l'orateur invité du Centre des Etudes Libanaises
Ci-dessous le discours de Son Excellence M. Issam Fares:

M. le Président Georges Asseily,
Chers invités,

Je suis heureux d'être votre invité d'honneur au vingtième anniversaire du Centre des Etudes Libanaises. Ce Centre, fondé par les Libanais résidant au Royaume-Uni et leurs amis, joue un rôle important en mobilisant l'attention du monde sur le Liban.

Je souhaite, tout d'abord, reconnaître le rôle de ceux qui ont fondé le Centre et ceux qui, aujourd'hui, guident ses pas, sous la direction compétente du Président du Conseil d'Administration, M. Georges Asseily.

Dans ce même esprit, je souhaite applaudir le leadership dynamique du directeur actuel du Centre, Dr. Nadim Schéhadé.

Dr. Schéhadé est soutenu par un large cercle de leaders libanais, arabes et britanniques œuvrant dans de nombreux domaines. Je souhaite exprimer ma profonde gratitude à eux tous, aux Libanais des secteurs public et privé également.

Le Centre a publié des livres et des études de grand intérêt. Il a attiré les érudits, les journalistes et les hommes d'État à participer à des séminaires, à des groupes de discussion et à des séries de conférences. Il est devenu un forum remarquable traitant des principales questions liées au Liban, afin de réformer ses institutions et de promouvoir son rôle dans la région.

Parmi les institutions privées, il est le génie des liens libanais. Il nous incombe, avec le temps, de traduire notre excellence dans le secteur privé en excellence dans le public. Jeter les jalons d'un Etat moderne et démocratique est un défi auquel tous les pays arabes sont confrontés, même si à des degrés variés.

Il ne fait aucun doute que le Liban a son lot de malheurs. C'était une combinaison de problèmes dans sa vie publique qui a abouti à une guerre civile dans les années 1970 et les années 1980. C'était une guerre interne au sein de l'âme libanaise avant de devenir une guerre régionale sur son propre territoire. Il s'agit d'un domaine dont vous avez débattu dans le cadre de vos délibérations. Ce sujet demeure d'actualité alors que nous définissons et affinons nos concepts d'identité, de loyauté et de citoyenneté.

Nous avons longuement et profondément examiné nos propres échecs. Avec détermination et avec la volonté d'effectuer un nouveau début, nous sommes parvenus à un accord à Taif en 1989. Cet accord est libanais à 100% et est exhaustif. Il porte sur le pluralisme de notre société, définit des questions qui étaient vagues et garantit à chacune des communautés ses droits.

Des pays arabes frères, particulièrement la Syrie, ont étroitement travaillé avec nous afin de parvenir à cet accord. L'accord de Taif a été accepté par toutes les parties, même par celles qui s'y opposent aujourd'hui et en reconsidèrent la validité. Il est vrai que certaines dispositions du Taif n'ont pas encore été mises en application; d'autres n'ont pas été clairement définies. Il y avait également des points qui devraient être détaillés ultérieurement. Nous sommes confiants que ces points seront traités le moment venu.

Depuis l'adoption de l'Accord de Taif, le Liban a effectué un progrès remarquable. Beyrouth a été reconstruite. Notre économie a regagné davantage de vigueur. La sécurité y règne. Le Liban a recouvert sa place dans le monde arabe. Les touristes qui ont inondé le Liban en été, arabes et étrangers, sont une preuve éclatante de la redynamisation du Liban.

Toutefois, ce qui concerne le Liban le plus, c'est la région dans laquelle il vit. La sécurité du Liban à long terme dépend largement de la sécurité du Moyen-Orient. Si le Liban baigne dans la sécurité, les investisseurs poseront toujours la question “la région est-elle sûre?” ; “Les problèmes de la région finiront-ils à l'intérieur du Liban?”

Les problèmes de la région sont inséparables des nôtres. Ce qui se passe dans une partie du monde arabe affecte immédiatement les autres parties. De petits pays sont appelés à poser de grandes questions: qu'en est-t-il de l'avenir? Que se passe-t-il autour de nous? Comment les changements dans la région nous affecteront-ils? Comment les intérêts internationaux se rapprochent-ils des nôtres?
Parmi nos nombreuses préoccupations, je me contenterai d'en mentionner trois:

Notre première préoccupation est le problème israélo-arabe, connu à juste titre sous le nom du problème du Moyen-Orient. La solution à ce problème affectera le Liban directement. Le Liban abrite quelque 300 000 réfugiés palestiniens. Ils sont pauvres, agités et frustrés. Nos frontières méridionales, nos ports au Sud, notre espace aérien sont tous violés en permanence. Le Liban étant libre, ouvert et démocratique, représente une plateforme à tous ceux qui désirent exprimer leur frustration et cette frustration demeure élevée en raison des retards à résoudre les problèmes du Moyen-Orient. Plus ce problème dégénère, plus il est difficile de le résoudre. Malheureusement, durant ces dernières années, le problème du Moyen-Orient a été relégué aux oubliettes. D'importants pas ont été pris dans le cadre de la conférence de Madrid en 1991, initiée par le Président Georges Bush (père). De sérieux efforts ont été investis par le Président Bill Clinton durant les derniers jours de son Administration. Il m'a dit que s'il avait eu encore un mois supplémentaire, il aurait réussi à le résoudre.

Le pas le plus important entrepris par les Arabes dans le cadre du conflit israélo-arabe s'est inscrit dans le cadre du Sommet arabe tenu à Beyrouth en mars 2002. Dans le cadre de ce Sommet, le prince héritier Abdallah a formulé une proposition audacieuse. Le Président du Sommet, le Président Emile Lahoud, a soutenu la proposition du prince héritier et lui a garanti un consensus total. La proposition est la suivante:

Les pays arabes acceptant d'offrir des relations normales et d'assurer la sécurité à Israël en contrepartie de tous les territoires arabes occupés, pour la reconnaissance d'un Etat palestinien indépendant avec al-Quds Al-Shareef (Jérusalem Est) comme capitale, et pour le retour des réfugiés palestiniens conformément aux résolutions des NU.

Cela demeure la politique du Liban, ainsi que celle de tous les pays arabes. Récemment, le Premier Ministre Blair a déclaré qu'il était prêt à considérer le problème du Moyen-Orient comme une priorité première et de travailler étroitement en faveur de sa résolution avec le Président américain au lendemain des élections du 2 novembre. Nous, au Liban, accueillons favorablement l'engagement de Blair et l'appelons à y aller de l'avant. A un certain moment, la Grande Bretagne faisait partie du problème. Aujourd'hui, elle a l'occasion de faire partie de la solution.

Notre seconde préoccupation est le cours pris par le conflit irakien. Ce conflit est aujourd'hui un autre problème du Moyen-Orient, voire un autre problème international en fait. Le conflit irakien a des répercussions dangereuses.

Le conflit peut dégénérer en guerres confessionnelles; il peut aussi raviver le fantôme de la partition; il peut devenir un théâtre pour le règlement de comptes. Nous avons expérimenté certains de ces maux à notre manière.

Ainsi, nous avons un mot à dire à cet égard. Nous n'avons probablement pas beaucoup de contrôle sur ce que les Forces de la Coalition et les autres mouvements et puissances externes feront ou ne feront pas en Irak, mais nous avons quelque chose à dire aux Irakiens eux-mêmes. Parmi les trois dimensions du conflit irakien - internationale, régionale et interne – la dimension interne revêt une importance primordiale.

Les Irakiens doivent s'aider eux-mêmes tout d'abord, avant de s'attendre à ce que l'aide des autres soit efficace. Nous avons tenté la dimension externe, mais en vain. Avant de parler d'une seule voix, nous étions incapables de recevoir le soutien externe dont nous avions besoin.

A compter du jour où la guerre a éclaté en 1975, les leaders, les intellectuels, le clergé et les chefs de partis libanais ont commencé à écrire des papiers de position, à tenir des conférences, à s'approcher des autres afin de se mettre d'accord sur les principes fondamentaux. Ces derniers comprennent, inter alia, la question d'identité, la forme du gouvernement, la nature de la représentation, la question de la justice sociale et les relations avec nos voisins. Une fois l'accord décidé à Taif, les milices ont rendu leurs armes et un nouveau chapitre au Liban a été ouvert. Les Irakiens devraient peut-être suivre un itinéraire similaire. Ils sont tenus de se mettre d'accord sur les principes fondamentaux relatifs à leur avenir; sinon, le conflit irakien se poursuivra à l'avenir.

Le conflit prendrait de nouvelles dimensions inattendues, qui peuvent sérieusement faire voler en éclats un système déjà précaire dans l'Orient arabe. Notre troisième préoccupation réside dans les conditions de la société moyen-orientale elle-même. Nous, au Liban, faisons partie d'une société arabe plus large. Nous pourrions être plus développés dans certains domaines, moins développés dans d'autres, mais notre avenir est inéluctablement lié à notre environnement arabe. Les valeurs et les symboles du monde arabe sont quasiment nos propres valeurs et symboles.

A un certain moment, le monde arabe était suprême. Il était le leader mondial en science, en art, en médicine et en ingénierie. Les gens venaient du monde entier à Damas, à Bagdad et au Caire pour étudier et évoluer. Aujourd'hui, les choses ont changé. Notre région a été classée par une étude des Nations Unies comme étant parmi les plus pauvres et les moins alphabètes du monde. La situation des femmes arabes demeure très mauvaise. L'économie arabe est considérée parmi les moins productives. De dangereux indicateurs nous montrent, au préalable, des dangers qui nous menacent.

Ces dangers mènent à la frustration, à la rébellion, au fondamentalisme et à d'autres formes d'extrémisme, qui peuvent être aussi dangereux, voire plus dangereux, que la violence dont nous sommes témoins aujourd'hui en Palestine et en Irak, parce qu'ils portent en eux-mêmes des slogans passionnés des temps médiévaux qui mobilisent facilement les masses et rompent le cours du progrès. La paix et la stabilité régionales sont les préoccupations premières d'un petit Liban, libre et démocratique.

Ainsi, les conditions sociales qui prévalent dans sa région sont sources d'inquiétude.

Les gouvernements sont tenus de s'engager à des réformes extensives. Chaque jour, nous lisons à propos de l'adoption de tel ou tel type de réformes, même dans les pays arabes les plus conservateurs.

Ces réformes couvrent tous les aspects de la vie publique, de la représentation à la prise de décision, à la montée des organisations civiques et au développement du rôle des femmes. Mais le pas du changement n'était pas aussi rapide que la situation le requérait. La mondialisation a éliminé les distances et les profits réalisés à l'Extrême-Orient ou à l'Occident sont bien vus au Moyen-Orient et recherchés.

Le défi auquel nous sommes confrontés au Moyen-Orient réside dans les moyens visant à moderniser, sans toutefois perdre les racines. Comment vivre pleinement dans le monde contemporain, sans perdre nos valeurs et nos traditions?

Pour effectuer des transitions pacifiques, nous devons être pratiques plus qu'idéologiques. Nous avons accepté des compromis. Toutefois, il nous incombe de demeurer nous-mêmes. Le Liban a fait des progrès sur ce plan. Mais il a toujours des défis à relever et de nombreux fardeaux à porter afin d'obtenir l'impact qu'il désire dans sa région. Notre région a besoin de paix et de stabilité afin d'effectuer des pas en direction de la science, afin de promouvoir les points de vue et de doter les gens de savoir et de connaissances.

Le Centre des Etudes Libanaises joue sa part de rôle à cet égard, disséminant le savoir concernant le Liban et son environnement. Il appelle au meilleur dans la tradition occidentale pour venir à son aide. En consolidant le Liban, vous consolidez son rôle dans la région comme un agent de libertés et de valeurs démocratiques. Pour plus d'un siècle, notre région a été un problème dans la politique du monde.

Espérons d'avoir un nouveau début à l'aube du 21ème siècle et ainsi, d'instaurer la paix, non la guerre, la coopération non le conflit, le savoir non l'ignorance. Pour nous, c'est un défi; pour l'Occident, c'est une opportunité. Je vous remercie de votre attention et de votre soutien indéfectible dont le Liban a besoin et que le Liban mérite. Je vous remercie aussi de m'avoir invité pour partager avec vous cet heureux événement.


M. Issam et Mme Hala Fares assistant au gala organisé en leur honneur à Londres