La «Série de conférences Issam M. Fares » a été organisée à l’Université Tufts à Boston, laquelle a accueilli le général Colin Powell pour discuter d’une «Paix durable au Moyen-Orient».
Fares: 'La clé d'une paix juste est de reconnaître les résolutions de base des Nations-Unies'
La conférence a été précédée d’une cérémonie organisée en l’honneur du vice-président du Conseil des ministres libanais M. Issam Fares, durant laquelle le conseil d’administration de l’université lui a décerné le titre de docteur honoris causa en affaires internationales, en reconnaissance de ses mérites et des efforts qu’il a déployés au Liban aussi bien qu’à l’étranger - notamment aux États-Unis -, en tant qu’homme, politique, économiste et père de famille, au service des institutions culturelles, des étudiants, des causes humanitaires et des relations internationales.
Mot de Issam Fares à cette occasion De toutes les distinctions honorifiques et des insignes que reçoit une personne dans sa vie publique, il est toujours un honneur qui se distingue de tous les autres, et cet honneur, à mes yeux, n’est autre que le doctorat honoris causa que m’a décerné l’Université Tufts. Cette marque d’estime, je la chérirai toute ma vie durant. Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma profonde gratitude au conseil d’administration de l’Université Tufts pour m’avoir décerné la plus haute distinction académique que l’Université puisse attribuer, à savoir le titre de docteur honoris causa. J’aimerais également remercier le président M. John Di Biagio, les professeurs et l’administration de cette prestigieuse université, pour m’avoir fourni la possibilité d’oeuvrer avec eux pour consolider l’enseignement supérieur et favoriser le rapprochement des civilisations. Depuis leur fondation, les Etats-Unis ont été confrontés au défi d’explorer de nouveaux horizons. Au fil des dernières décennies, l’homme a bravé les contraintes de la gravité pour fouler le sol de la lune. Il a envoyé ses vaisseaux spatiaux dans la lune, les planètes et bien au-delà. Si tels sont les horizons du XXe siècle, quels seront donc ceux du XXIe siècle? La science va bien évidemment poursuivre son évolution et le développement des études en matière d’espace, de communications et de technologie de l’information. Il n’en demeure pas moins que les nouveaux défis que nous réserve l’avenir ne sont pas d’ordre matériel; ils sont du ressort des relations humaines et de la possibilité d’amener les peuples à vivre ensemble en paix. Les nouveaux défis résident dans la démolition des murs dressés entre les religions, les nations et les civilisations. Il nous incombe de tendre un pont, non pas au-dessus d’un fleuve pour relier une rive à l’autre, mais d’un pays à un autre, d’une civilisation à une autre. Au plan des relations entre les peuples, nous sommes toujours en proie à la crainte de l’autre, mettant en doute ses intentions; nous sommes toujours mus par le désir d’exploitation et d’hégémonie. Le défi serait de jeter un regard objectif sur l’autre, reconnaître son existence et l’estimer, avec tout ce qu’il représente et tout ce en quoi il croit. Le monde d’aujourd’hui se caractérise par la multitude de ses communautés, tribus, états et civilisations, et il en restera ainsi. Le défi du XXIe siècle serait d’assurer cohésion et union au sein du pluralisme, d’édifier un monde harmonieux à l’ombre duquel chaque civilisation conserverait ses valeurs vitales. Le défi serait aussi d’accéder au don de la tolérance et à la sagesse de la modestie et de préserver les grands intérêts de l’humanité, voire les arracher aux intérêts divergents et égoïstes. Grâce à sa position pionnière, l’Université Tufts figure parmi les instances les mieux qualifiées pour percer de nouvelles voies dans ce domaine de grande importance. Je suis confiant que l’Université Tufts poursuivra, en collaboration avec les autres universités, les efforts qu’elle fournit dans ce sens. Il y a des obstacles à franchir et des sommets à escalader. Nous avons fait des miracles sur le plan purement scientifique. Il nous est également possible de faire des miracles au niveau de l’humanité entière. Avant de clore, permettez-moi de réitérer mes remerciements à l’Université Tufts pour m’avoir fait cet honneur, lui souhaitant un progrès continu dans le domaine des études supérieures, au service de la science, des relations entre les peuples et des valeurs humaines.
CONFERENCE ALLOCUTION DE M. ISSAM FARES C’est un honneur et un privilège pour moi de pouvoir accueillir le Général Colin Powell à la série de conférences «Issam M. Fares Lecture Series» à l’Université Tufts. Votre participation, mon Général, vous qui avez gravit les échelons de l’armée américaine, vous qui avez été à sa tête et qui avez eu à gérer directement la question de paix et de guerre au Moyen-Orient, revêt aujourd’hui une importance bien particulière. L’objectif de la série de conférences «Issam M. Fares Lecture Series» est de soutenir une paix fondée sur la justice. Une paix qui ne prendrait pas en considération les principes de justice ou plus généralement ceux des droits de l’Homme ne peut durer. Sans justice on peut imposer la paix, mais non la faire durer. Nous devrions tous nous rappeler de cela dans notre quête pour une paix durable au Moyen-Orient. En tant que libanais, je porte un intérêt particulier à cette région ainsi qu’au rôle des États-Unis et à l’aide que ce pays peut nous apporter pour réaliser cette paix-là dans notre région. Le destin du Liban est lié au destin de la région. S’il n’y a pas de paix dans la région, il n’y aura pas non plus une vraie paix au Liban et vice versa. Nous avons enduré la guerre au Liban pendant près de deux décennies et nous avons connu le démembrement, la destruction et la misère qui l’accompagnent. Seuls ceux qui ont connu la guerre apprécient la paix à sa juste valeur. Nous avons appris, au Liban, que la paix ne peut pas être réalisée sans prendre en considération les intérêts de toutes les parties concernées. Nous avons appris qu’il existe des petites et de grandes parties mais qu’elles ont toutes un rôle à jouer dans la construction de la paix. Il est bien entendu que parmi toutes les capitales engagées dans le processus de paix au Moyen-Orient, Washington est celle qui exerce la plus grande influence. Mais Washington ne peut pas avancer toute seule. Elle peut orchestrer et encourager; elle peut mettre en perspective d’autres actions possibles. Mais l’objectif doit toujours être l’aboutissement à une paix globale et durable dans laquelle les droits de toutes les parties seront reconnus. Une paix faites de pièces et de morceaux ne peut pas aboutir. Malgré des accords avec l’Égypte et la Jordanie, et en partie avec l’Autorité palestinienne, nous n’avons toujours pas de paix. En fait, la paix semble glisser vers la violence et la guerre. La paix ne sera effective que lorsque les questions fondamentales, inhérentes à la question palestinienne seront considérées de manière adéquate et lorsque les intérêts de la Syrie et du Liban seront également pris en considération. Lorsque l’on pense à des victoires de court terme, on a tendance à tirer à l’aveuglette, à agir par fureur et à réagir par fureur. Dans une telle atmosphère, le plus fort est tenté de dicter sa volonté et le plus faible est tenté de riposter par la violence. Dans les deux cas l’on s’achemine vers une défaite certaine. Les évènements d’octobre à Jérusalem et en Cisjordanie en sont un exemple criant. S’ajoute à cela, l’impossibilité au Moyen-Orient, de séparer le politique du religieux . Chez nous, le symbole religieux est un fait – un fait dur, concret et têtu. Un fait qui peut mobiliser des masses, générer la violence et renverser des régimes. Dans le processus de paix, il y a des symboles juifs, des symboles chrétiens et des symboles islamiques, et tous convergent vers Jérusalem. Étant donné la complexité religieuse de Jérusalem, l’importance stratégique de la région et sa place économique dans le commerce international, les efforts pour la paix doivent non seulement engager les États-Unis, mais aussi les Nations-Unies, la Russie, l’Europe ainsi que le monde arabe et islamique. La clef d’une paix juste est de reconnaître les résolutions de base des Nations-Unies et de travailler à partir de celles-ci. Les accords sur la terre, l’eau, et sur le commerce sont importants et représentent peut-être des pas nécessaires vers une paix durable. Mais ce dont nous avons finalement besoin, c’est que les différentes parties soient prêtes à se reconnaître, à apprendre à accepter la pluralité existante, et à avoir la sagesse et la volonté de vivre ensemble. Nous avons un long chemin à faire avant d’atteindre ce but. La paix dans notre région est un processus long. Elle se heurte à de nombreux dangers et défis, mais nous devons persévérer. Laissez-moi encore une fois souhaiter la bienvenue au Général Powell. Je voudrais le remercier de nous consacrer le temps de cette rencontre pour partager avec nous ses pensées et ses réflexions. Dans sa vie, le général a su surmonter de nombreuses difficultés, il est donc très à même d’apprécier les difficultés auxquelles se heurte la paix dans notre région et peut-être pourrait-il nous aider à les surmonter. ALLOCUTION DU GENERAL COLIN POWELL Suite à l’allocution de M. Issam Fares, le général Colin Powell a prononcé un discours au début duquel il a loué les idéaux qu’il partage avec le vice-président du Conseil libanais, en l’occurrence le sens de la lutte, les valeurs, les principes moraux et patriotiques, le service de la société et l’engagement à soutenir les générations futures. Par ailleurs, Powell a félicité M. Fares de sa nouvelle nomination à la vice-présidence du Cabinet libanais, lui souhaitant le plein succès dans ses nouvelles fonctions et espérant que le Liban jouira rapidement d’une paix durable qui favoriserait la prospérité, le bien-être et la croissance du pays et lui permettrait de recouvrir tous ses droits légitimes.
Powell: 'Je suis profondément intéressé par la situation au Moyen-Orient, le processus de paix en particulier'
Et d’ajouter que la question du Moyen-Orient demeure au centre de ses préoccupations, notamment le processus de paix engagé dans cette partie du monde. Les pays et peuples de cette région n’ont d’autre alternative que celle des négociations et de la paix. La violence n’est guère en mesure de résoudre les problèmes, mais plutôt de les aggraver, et seules les négociations entre les parties au conflit sont susceptibles de rapprocher les différents points de vue.
Powell a souligné que le climat international a subi de grands changements après l’effondrement de l’Union soviétique. Le monde tient aujourd’hui au régime libéral, à la démocratie, à la liberté et aux droits de l’homme, et les États-Unis se considèrent responsables, aux côtés du monde libre, de la sécurité et de la paix, notamment au Moyen-Orient où ils ont invité les parties concernées à la table des négociations en vue d’instaurer la paix, au lendemain de la conférence de Madrid. Powell a par ailleurs exprimé son plein accord avec les positions si éloquemment exposées par le vice-président du Conseil libanais au sujet des règlements adaptés à la région lui permettant de parvenir à une solution juste et globale passible d’instaurer la paix à long terme, abstraction faite du résultat des élections présidentielles américaines. Que les élections soient remportées par le candidat du Parti Démocrate, le vice-président M. Al Gore ou le candidat du Parti Républicain, M. George W. Bush, l’administration américaine demeure fermement engagée vis à vis du processus de paix au Moyen-Orient, et cet engagement ne variera point avec son changement. Powell avait tenu une conférence de presse à l’Université Tufts à Boston, durant laquelle il avait fait part au vice premier ministre libanais M Issam Fares de ses félicitations et de ses vœux de réussite les plus sincères dans ses nouvelles fonctions. De plus, il a souhaité à M. Fares, au nouveau gouvernement libanais et à tous les responsables libanais le plein succès dans leur tâche, surtout en cette période difficile que traversent le Liban et la région. A la question de savoir pourquoi il avait qualifié l’étape à venir de difficile, Powell a répondu: «Suite aux derniers événements violents qui ont secoué la région, j’estime qu’il est grand temps que tous les responsables engagent des négociations en vue de mettre un terme aux actes de violence… . Tout acte militaire, qu’il soit perpétré au Liban ou dans la région, entravera davantage le processus de paix… Cela dit, le temps des consultations et du dialogue est venu. Il est temps que les responsables concernés par la paix engagent un dialogue et des négociations et fournissent tous les efforts nécessaires pour mettre fin aux actes de violence.»